Bah ouais j'suis une fille et j'ai l'air d'un gars, ça te cause un problème? [Pv: Sakura Sâto]

J’entrai dans la salle de bain en grommelant et arrachai une bande de papier brun au passage. Me dirigeant vers les lavabos, je tâtai mon sourcil et ma pommette de l’autre main. Une douleur lancinante se déclarait dans le côté droit de mon visage, accentuée par la pression de mes doigts qui se révélèrent ensanglantés à mon observation. Je pestai. D’un doigt encore sec, je réitérai l’observation, tentant de trouver la source du sang, qui se révéla être mon sourcil qui avait fendu sous un coup de poing. Sans me soucier des murmures de protestation que je suscitai, je me créai une place aux lavabos, devant les miroirs. J’ignorai sciemment les chuchotements indignés et le commentaire d’une fille à une autre : « Josy, arrête! C’est pas un gars! » suivi d’un dédaigneux « Même si ça en a l’air ». Ma seule réaction face à ces habituels commentaires désobligeants fut de me dire que j’aurais vraiment dû prendre la chambre de bain des gars : ça semblait toujours provoquer un branle-bas de combat quand j’avais le malheur de prendre celle des filles.

La partie supérieure de ma joue commençait déjà à prendre une teinte violâtre, et le sang avait coulé de mon arcade sourcilière sur le côté de mon visage sans que je ne le sente. Il avait commencé à crouter dans les poils de sourcil. Ma lèvre inférieure me semblait déjà avoir l’air un peu enflée, sinon, ça faisait le compte pour mon visage. C’était pire que d’habitude, mais pas si mal en fait, même si le bleu que Patrick m’avait fait la semaine passée violaçait encore le côté droit de mon visage, me donnant l’air d’un enfant battu ou peut-être même à la limite d’un Picasso si on prenait en compte mon nez cassé. Je mouillai le papier brun et tamponnai ma lèvre avant d’essayer d’enlever le sang de mon visage. Je râlai, exaspérée, quand en nettoyant mon sourcil la peau fendue se rouvrit et se remit à saigner de plus belle. J’étais furieuse de m’être laissée battre aussi facilement, mais j’étais encore plus furieuse de mettre permise de sous-estimer mon adversaire. Je ne m’en étais pas si mal tirée au final, mais je l’avais bien mérité. Je pestai en appuyant le papier sur mon sourcil pour contenir le sang. Mes jointures me brulaient d’avoir frappé et des croutes d’une chute voilà trois jours qui s’étaient fendues pendant le combat. Il me vint à l’idée que je devrais être plus prudente avec mon corps, mais je renvoyai cette absurdité d’où elle venait. J’avais l’habitude de cette douleur, elle ne me dérangeait pas. Dans un sens, elle était même un peu réconfortante.

Je retirai le linge, regardant le rouge qui le tachait avant de porter mes yeux sur le miroir et d’y croiser le regard (étrangement violet) d’une fille apparemment asiatique aux cheveux gris. J’eus l’impression qu’elle me fixait, et au bout de quelques secondes sans qu’elle ne cille pendant lesquelles je fus absolument convaincue qu’elle me regardait, ma patience déjà mise à l’épreuve par la vie en général s’émoussa assez pour que je me retourne brusquement et lui dise :

-T’as un problème?

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