Eleonore Bathurst
Messages : 9
Date d'inscription : 28/01/2012
Age : 28
![Un visage dans l'eau. [Libre!] Empty](https://2img.net/i/empty.gif) |  Sujet: Un visage dans l'eau. [Libre!] ![Un visage dans l'eau. [Libre!] Icon_minitime](https://2img.net/i/fa/icon_minitime.gif) Mar 31 Jan - 21:34 | |
| Un visage dans l'eau. Le mien.
Je n'ai jamais aimé mon visage. Les rares fois où on m'a dit que j'étais belle - je peux les compter sur les doigts de ma main - je ne l'ai pas cru. Qui le croirait, de toute façon? Quelle beauté pouvez-vous trouver à une pauvre fille qui ne dort jamais, les yeux cerclés de mauve, les os de ses pommettes affreusement saillants, comme s'ils allaient vous sauter au visage à chaque instant? Souvent quand je me regarde dans le miroir, je me trouve l'air si fragile, je m'attends presque à voir mon visage s'effriter en petits morceaux d'un moment à l'autre, comme une vieille chose pleine de poussière, qui n'a pas vu le soleil depuis trop longtemps. C'est un peu l'impression que j'avais un peu plus tôt, d'ailleurs. Il y avait trop longtemps que je n'avais pas été dehors, et depuis quelques heures il me semblait que chaque fibre de mon corps hurlait, assoiffée d'un peu de vitamine D, de la lumière bénite. Enfin je me sens libérée d'un certain poids, en me retrouvant à l'air libre. Le soleil est là, de temps à autre dissimulé par des nuages d'un gris acier, mais il est là, pâle comme une petite étoile timide. On est en mars après tout.
Première journée de cours achevée, et je n'ai pas beaucoup aimé. C'est sans doute mon pessimisme naturel. Après tout c'est pour ça que je suis incapable de penser comme il faut, non? Parce que je vois toujours les choses en noir. Parce que tout est déformé dans ma tête. Parfois je me demande sincèrement si je ne suis pas malade mentalement, et ça m'effraie. J'ai souvent même l'impression de me reconnaître davantage en ces enfants trisomiques que je croise parfois qu'en tous ces adolescents que je côtoie tous les jours. Qui eux sont bien normaux, ne passent pas leur temps à se répéter que « Tout ira bien, tu ne dois pas avoir peur... » À quoi ils pensent, justement? J'ai de la difficulté à m'imaginer ce que c'est, d'avoir un esprit sain. Un esprit rationnel et équilibré, qui ne se pose pas constamment des questions, qui ne considère pas chaque chose nouvelle comme un obstacle et une source de stress...
Mais il ne faut pas y penser. Là, maintenant, c'est un de ces moments bénis où j'arrive à frôler un semblant d'apaisement, une sorte de calme détaché, désintéressé, comme si je ne faisais plus partie de l'univers, que je ne faisais que le regarder de haut sans y participer. N'est-ce pas une chose affreuse, que de savoir qu'on est vivant? De savoir que d'un instant à l'autre un fardeau pourrait nous tomber dessus, une responsabilité quelconque qui nous met des fers aussitôt. Quelqu'un commence à vous parler et alors vous devez continuer la conversation. Et si cette personne s'attachait à vous? Et si vous vous attachiez à elle? Mais dès cet instant, vous n'êtes plus libres, parce que le coeur est une pute - oups, pardon. Il ne faudrait pas que maman m'entende... Mais c'est vrai quoi. La vie ne serait-elle pas plus simple si on n'aimait pas, si on n'avait pas de rêves, pas d'ambitions? Moi, si je n'aimais pas autant maman et notre petit appartement, je ne serais pas dans cet état en ce moment. Je serais bien ici, dans cette école, parce que je ne ressentirais pas à chaque instant la brûlure de mon coeur qui voudrait qu'on le serre dans ses bras, qui se sent si tristement seul...
Merveilleux, je vais me remettre à pleurer... Mais qu'est-ce que je fais ici? Riverside Academy... Je suis plus certaine d'une chose aujourd'hui que je ne l'ai jamais été de toute ma courte existence : cet endroit ne sera jamais ma maison. Et cet endroit ne veut pas de moi. Il ne veut pas d'une cinglée angoissée. Il n'y a que ces petits ponts, îlots de bonheur et de quiétude, qui veulent bien de mon humble compagnie. Un petit quelque chose à quoi se raccrocher, au moins. Merci, petit pont, merci, rayons de soleil. De quoi me donner le courage d'affronter chaque nouveau jour. De quoi laisser dans mon être une petite traînée d'espoir inavoué... | |
|
Accueil