Nuit d'Orage [Pv: Otilie-Schatten Edelstein]

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Spoiler:

Mes larmes continuent de couler, elles trouvent leurs chemins sans que je n’essai de les retenir. À quoi bon de toute façon? C’est tout ce qui me reste maintenant, c’est la dernière chose en mon pouvoir, c’est la seule chose qui me reste pour laisser libre cours à ma douleur. Je ne me soucie presque plus d’Otilie, elle peut bien faire ce qu’elle veut, elle à déjà tout ruiné de toute façon… Je reste comme ça pendant un moment, mais finalement, la tueuse me force à me lever, se saisissant de mon bras dégoulinant de sang et me tirant dans sa course vers une destination que j’ignore. Je n’ai plus de force et trébuche, mais elle me rattrape, m’obligeant à la suivre. Je ne veux pas, je ne veux plus être près d’elle, elle a empoisonné ma vie, elle m’a déjà tué mentalement, je veux qu’elle me laisse tranquille, mais rien à faire, mes forces sont nulles. J’ai beau essayer de me débattre, mon corps lui, ne veut tout simplement plus, il me cri de lâcher prise, et c’est ce que je fais en bout de ligne. Je ne remarque même pas où l’on va et me laisse guider par cette fille sans savoir ce qu’elle compte faire de moi maintenant… Mais qu’est-ce qu’elle attend de moi? Pourquoi m’avoir sauvé une nouvelle fois? Je ne comprends rien, la confusion, la douleur, l’épuisement… Tout cela me fait pleurer encore plus.

On arrive devant une porte, et je sursaute lorsque j’entends de nouveau un coup de feu . Le coup me secoue d’une telle façon, qu’une nouvelle peur imminente m’envahie, me foudroie carrément et me redonne une certaine énergie pour me débattre. Les images, même si je ne veux pas les revoir, elles défilent derrière mes yeux, et à la vue de mon propre sang sur mes bras, je repense au sang de mon ami, à son cadavre, à son visage froid et ses yeux emplis de peur. La scène me semble encore plus affreuse avec Otilie près de moi. C’est sa faute, c’est elle qui a tout fait! Pourquoi je n’arrive pas à la repousser? Je veux qu’elle me laisse tranquille! Pourquoi est-ce qu’elle me garde avec elle!? Cette peur irrationnelle me torture encore plus, les larmes coulent et cette envie de crier comme cette nuit me vient, mais le tout reste coincé dans ma gorge, j’ai l’impression d’étouffer! Je réussis à libérer mon bras, mais je ne sais pas quoi faire, où aller, et les sons, les images continuent de défiler devant moi sans arrêt.

Je sens alors Otilie m’agripper de nouveau pour m’amener dans une autre pièce. Je me laisse complètement faire, mon esprit est tellement perdu que je n’arrive tout simplement plus à réagir. Puis, lorsque la porte se referme, les sons s’estompent lentement, les images s’effacent graduellement alors que je me sens tiré vers le sol sans imposer une quelconque résistance. L’air emplie de nouveau mes poumons et je me calme lentement, même mes pleurs s’estompent un moment. Je sens alors Otilie prendre ma main, et je me crispe un peu avant qu’elle ne me dise :

-Next time yah tryin'ah kill yo'self, call me before, 'kay?

Une pointe d’inquiétude se fait sentir dans ses paroles, mais je n’y porte pas tout de suite attention. Je ne réponds pas, je continu plutôt à me calmer pendant un moment encore. Le silence reste pendant quelques minutes et je prends lentement conscience de tout ce qui vient de se passer. Sky, je l’ai confondu avec Damien… mais Damien, il est mort… il ne reviendra jamais, c’est pour ça que j’ai voulu me tuer, parce que Damien est parti et que plus jamais je ne le reverrai… Je serre un peu la main de Lie que je n’ais pas lâchée et baisse un peu la tête. Je sais que c’est sa faute, tout est de sa faute, mais pourquoi je n’arrive plus à lui en vouloir? Pourquoi je suis là, à côté d’elle et je n’ai même pas envie de lui en vouloir? La peine est tellement grande, ma solitude si affreuse que je n’arrive pas à ressentir autre chose. Lentement, je me mets à sangloter et je me sens complètement démolis. Je réalise enfin, j’affronte finalement la vérité, Damien est mort, jamais plus il ne sera avec moi, jamais plus je n’entendrai le son de sa voix ou ne reverrai son visage, il est parti pour toujours… Jusqu’à cette nuit, j’ai fuis la vie, j’ai fuis ce fait, j’avais voulu l’ignorer, l’enterrer, mais tout ce que j’ai fait, c’est d’accumuler la douleur et la peine pour repousser mon deuil… Maintenant, je ne peux plus m’enfuir, je dois faire face, mais je n’ai pas la force de le faire seul, je ne veux pas être seul, pas maintenant, j’en ai assez…

Mes pleurs redoublent mais je cache ma bouche du revers de ma main droite pour étouffer le son, serrant toujours plus la main de Lie de la gauche. Je me sens tellement mal et seul, je ne sais plus quoi faire, et sans savoir pourquoi, je finis par articuler, la voix tremblante;

- I’m sorry…I’m sorry Lie…

Je ne sais pas pourquoi je m’excuse, peut-être pour tout ce qui s’est passé, peut-être pour ne pas avoir pensé à elle avant d’avoir voulu me tuer, car au fond elle est important pour moi, et je me rends compte qu’en fait ça n’a jamais été sa faute tout ça… Si je n’avais pas été aussi stupide cette nuit là, rien de tout cela ne serait arrivé, tout est MA faute, Damien est mort à cause de MOI…seulement moi… Mon cœur se serre affreusement, je me sens plus vulnérable que jamais, et sans réfléchir, je me tourne et serre Lie dans mes bras et pleure sur son épaule. Je n’ai pas la force d’être seul en ce moment, j’ai besoin d’elle, je me fiche de tout ce qui s’est passé, j’ai juste besoin d’elle en ce moment…

- Please…don’t leave me alone…

Administrateur Messages : 181 Date d'inscription : 08/11/2011

Quelques minutes s’écoulent en silence, et je n’ose pas le briser, de peur que ma voix ne panique Jayden. N’ayant rien d’autre à faire, j’écoutais le son de sa respiration, qui se calmait lentement, et je ne savais pas s’il pleurait toujours. Je tenais encore sa main, et le sang qui coulait de son poignet rendait cette étreinte poisseuse. Je savais que je devrais m’occuper de ces blessures avant qu’elles ne lui fassent perdre trop de sang, mais je craignais que le moindre mouvement ne brise cet éphémère et inconfortable équilibre. Chaque seconde me faisait ruminer un peu plus les évènements des dernières minutes, et mon cœur et ma gorge se serraient. J’étais sans m’en rendre compte montée sur un piédestal, j’avais cru que notre amitié avait oublié mes actions du passé, que je n’avais plus à redouter les voir me revenir, mais j’étais tombée. Après un certain temps, il serra ma main, et je n’osai pas lui répondre, craintive que ce ne soit que ce petit serrement qui précède le moment où les gens libèrent habituellement leur mains, comme mon père faisait. Mais il ne retira pas sa paume de la mienne, et j’eus peur d’espérer que ce n’avais qu’été un instant, que les fantômes du passé étaient repartis comme ils étaient venus. Mais Jayden se remit à pleurer, d’abords doucement, presqu’en silence. Je serre légèrement sa main. Je suis là, me dis-je. « Mais tu n’es pas la bonne personne, Schatten. Tu ne seras jamais la bonne personne. ». Puis, soudainement, ses pleurs s’intensifient, perdent de leur silence discret, et il se cache la bouche du revers de la main comme pour les taire. Mais je ne les entends que mieux. Sa voix se brise alors qu’il serre un peu plus ma main en me murmurant :

« - I’m sorry…I’m sorry Lie…»

Et je me demande de quoi il s’excuse, mais il me retourne et me serre soudainement dans ses bras, posant sa tête et ses larmes sur mon épaule, comme si j’étais sa bouée de sauvetage. Pauvre homme, me dis-je, pour n’avoir en guise d’ancre que celle qui l’avait mis à la dérive. Je referme mes bras sur lui, et j’enfouis mon visage dans ses cheveux alors qu’il me supplie de ne pas le laisser seul. Ma gorge est si serrée que respirer en est ardu, et mes sourcils se froncent sur un regard triste, ma mâchoire se serre sur une moue accablée.

- A ain’t goin’ nowhere, boy… Yo mah onleh friend, I can’t let’cha die…

Je le serre un peu plus fort, et j’espère absurdement que mon étreinte sera une ancre assez solide pour le retenir de jamais repartir à la dérive. Ses sanglots sont les secousses d’un séisme, et mes bras sont un treillis pour maintenir en place les pièces de sa statue de sel. Je désespère de le garder en un seul morceau, tentant d’oublier l’ironie qui me rappelle que je suis celle qui porta le coup de masse sur le marbre fissuré. Je ne veux pas penser à ce que j’ai fait pour le mener si près de la chute; il me suffit de savoir que je suis là pour l’empêcher de tomber, pour le rattraper. Mais j’ai peur de le laisser m’échapper, ou de le voir s’effondrer à mes côtés sans avoir pu amortir son plongeon. Le temps passe où je tente de contenir ses tremblements, avant que mon dos mouillé du sang de son poignet et de sa paume ne me rappelle les blessures de son corps, pour lesquelles je peux vraiment quelque chose. Je pose une paume sur ses cheveux, tout près de ma joue, et je lui chuchote doucement à l’oreille ce que je dois faire.

-I need’a take care of yo arms, Jayden… Yah gotta lemme go fo’ a s’cond, ‘kay?

Je me libérai doucement de son étreinte, et je ne pus pas le regarder en me relevant. Je le sentais déjà désespéré, je ne voulais pas voir la douleur dans ses yeux. Je me saisis d’un drap sur une des étagères, et commençai à le déchirer en lambeaux, toujours sans me retourner, et je me mis à parler, doucement, sans vraiment penser à ce que je disais ni au but de mes paroles.

-Yah know, I’m serious man… Next time yah wanna try dyin’ ‘gain, call me b’fore, ‘kay? Je jetai un petit coup d’œil au-dessus de mon épaule. Just so I can catch yah right before yah do sometin’ stupid, and then hold’yah tigh’ and tell yah how bad t’would have been without yah… Je tournai légèrement ma tête vers lui, sans pourtant le regarder, avant de dire un peu plus bas, sans y avoir réfléchi :’Cuz without yah nuthin’ would be right anymor…

Je relevai la tête un peu brusquement, étonnée de mes propres paroles, avant de recommencer, presque timidement, à déchirer des bandelettes de draps. Je savais pourtant qu’elles étaient vraies, seulement, avant de les dire, je n’avais même pas conscience de la vérité qu’elles révélaient. Non pas que je l’ignorais, mais je ne l’avais juste jamais réalisé. Il était plus pour moi que je n’aurais cru au départ, probablement plus que tout ce que j’avais d’autre. Assurément plus. Jayden…

- A ain’t goin’ nowhere, boy… Yo mah onleh friend, I can’t let’cha die…

Tout mon corps tremble, il tremble sous le poids de ma peine, de mon désespoir, de la culpabilité, et je m’accroche désespérément à Lie, faisant un effort surhumain pour m’empêcher de crouler sous cette charge qui semble grandir un peu plus à chaque seconde. Les larmes coulent et je ne peux plus rien faire pour les en empêcher. Je n’ai pas pleuré depuis ce jour à l’hôpital, depuis ce jour où je me suis promis de ne plus pleurer pour Damien, car je n’en ai pas le droit, il est mort par ma faute, tout est de ma faute… mais je n’arrive plus à me contenir, j’ai trop mal et je me cramponne du peu de forces que j’ai pour rester à la surface. De savoir que Lie reste avec moi m’apaise un peu, mais j’ai l’impression que quelque chose me consume de l’intérieur, déchiquète mon cœur, entrave mes poumons alors qu’un parasite empoisonne mon esprit… Même si je sens les bras de Lie autour de moi, même si je sens sa chaleur physique, j’ai froid, mes membres sont glacés, ce qui me rend encore plus anxieux. C’est alors que je sens la main de la jeune femme se poser sur mes cheveux avant qu’elle ne me dise doucement qu’elle doit s’occuper de mes blessures.

Elle se détache de moi, et je dois me retenir pour ne pas la garder près de moi. De la voir s’éloigner me fait peur, m’angoisse totalement sans que je ne sache pourquoi. Je ramène mes bras autour de moi, comme pour me protéger d’un danger qui n’est pas… Le seul danger ici, c’est moi-même, j’ai peur de me remettre à paniquer, j’ai peur de devenir fou mais aussi de me retrouver seul dans cette misère… Je suis complètement terrorisé à l’idée d’être abandonné de nouveau…

-Yah know, I’m serious man… Next time yah wanna try dyin’ ‘gain, call me b’fore, ‘kay? Just so I can catch yah right before yah do sometin’ stupid, and then hold’yah tigh’ and tell yah how bad t’would have been without yah…’Cuz without yah nuthin’ would be right anymor…

J’ai de la difficulté à comprendre ce qu’elle me dit... Mon esprit est embrouillé, et je dois réfléchir un moment pour assimiler les paroles. Alors, elle tient à moi? Pendant quelques secondes, ça me fait du bien, ça me réconforte, mais ça ne dure pas. Si je m’attache à elle, si je la crois…qui sait ce qui lui arrivera… Tous les gens qui on été importants pour moi ont soufferts de ma présence, n’est-ce pas ce qui arrive en ce moment? J’ai fait du mal à Lie ce soir, je lui ai causé tellement de soucis, et elle doit maintenant s’occuper d’un imbécile, d’un faible incapable d’affronter la vérité… Je suis vraiment un être pathétique, je ne vaux rien… Mais je ne veux plus faire de mal à personne, je ne veux plus voir souffrir personne à cause de ma présence dans leur vie... Déjà Sky... qu'est-ce qui suivra?

- What for? I didn’t bring you anything… I’m weak and useless, everything I do is hurting you... I’m no good... All the bad things happening are my fault... It’s all my fault...

De nouveaux tremblements me secouent alors je resserre mes bras autour de moi. J’abaisse le regard et plies un peu plus mes jambes fixant le vide devant moi sans rien distinguer, ma vue brouillée par les larmes qui continuent de s’écoulées. La culpabilité me ronge, et j’ai bien peur qu’elle n’arrête jamais… Combien de temps puis-je tenir ainsi? Je suis déjà démolis, qu’est-ce que mes débris peuvent supporter de plus maintenant? Qu’est-ce que je peux faire? Je n’en sais rien, je désespère…

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- What for? I didn’t bring you anything… I’m weak and useless, everything I do is hurting you... I’m no good... All the bad things happening are my fault... It’s all my fault...

Je terminais de déchirer le drap quand Jayden avait parlé, et je fendis la dernière bande avec une brusquerie qui avait été absente de mes autres geste. Je sentis une colère, un outrage, monter instantanément en moi à ses paroles. Elle n’était pas vraiment dirigée contre lui, ni contre quoi que ce soit en particulier, et je ne crois pas qu’il réalisa à quel point je fus blessée par cette phrase inconsidérée. Comment osais-t’ il prétendre qu’il n’avait rien fait pour moi? Les poings serrés sur les bandelettes de tissu, je crachai en me retournant :

-Yeah, right, and beein’ tha only person I’ve talked to since everythin’ in Detroit, beein’ tha only guy I ain’t fuckin’ scared shitless of, that sure ain’t nuthin’, right, Jayden?!?

La vue de mon ami replié sur lui-même au sol ne calma qu’à peine ma colère. En fait, ce que je ressentais était plus de la douleur, mais la colère était mon bouclier, mon agressivité mon armure. J’avais l’impression que par ces mots, Jayden avait renié tout ce qui avait été notre amitié, même si c’était lui qu’il en jugeait indigne et non moi. C’était injuste, je le savais, mais je restai tout de même un moment à le regarder, les deux pieds plantés dans le sol, les oreilles couchées en arrière et le poil hérissé, mon souffle bruyant. Il ne releva pas les yeux, ne me répondit pas. Je soupirai en relâchant mes muscles, détournant le regard. S’il m’avait regardée, il aurait vu un air blessé passer sur mon visage.
Je tenais toujours les linges dans mes mains, et c’est ce qui me fit bouger. Il y avait un petit lavabo dans un coin de la pièce, et j’y mouillai quelques linges avant de revenir vers mon ami. Je m’agenouillai près de lui.

-Gimme your arm, dis-je en prenant son bras.

Du linge mouillé, je commençai à nettoyer la blessure à son poignet. Un frisson de douleur vint s’ajouter aux tremblements de ses pleurs, mais je ne m’arrêtai point. Une fois fini, je commençai à bander la plaie avec les bandelettes, m’arrêtant une seconde à un moment pour lâcher un triste soupir. Ça me faisait mal de le voir ainsi, mais ma colère, qui se fondait maintenant en abattement, m’avait désarmée de mots de réconfort.

-Yeah, right, and beein’ tha only person I’ve talked to since everythin’ in Detroit, beein’ tha only guy I ain’t fuckin’ scared shitless of, that sure ain’t nuthin’, right, Jayden?!?

Je reste silencieux et continu de fixer le vide. Je comprends ce qu’elle me dit, mais je ne sais pas quoi en penser ni comment réagir. La seule personne à qui elle a parlé de ce qui s’est passé à Détroit, le seul gars qui ne l’effraie pas… je suis conscient de tout ça, mais qu’est-ce que je peux faire pour elle maintenant? Qu’est-ce que je peux faire de plus pour l’aider? Rien, à partir de maintenant, j’ai peur de ne lui faire que du mal, mais je n’arrive pas à m’expliquer, je n’arrive pas à lui dire tout ça, car je sais que tout ce que je risque de lui dire la blessera, et je ne veux pas… Déjà, je sais que ce que je lui ai dit, même si c’est la vérité pour moi, l’a vraiment mise en colère, comme si je ne réalisais pas… Mais le problème est que je me sens vraiment inutile, vraiment faible et incapable… Tous ce que j’ai dis, c’est ce que je ressens, et je ne sais pas quoi en faire…

J’entends alors Lie s’éloigner pour ensuite que parvienne à mes oreilles un bruit d’eau qui coule. L’eau me rappelle l’orage pendant un moment alors je ferme fortement les yeux, et me concentre pour rester calme alors que le bruit continu de résonner dans ma tête. J’essai de serrer un peu plus mes bras autour de moi, mais je n’y arrive pas, je n’ai pas de forces et je commence à avoir la tête qui tourne un peu. Je m’efforce à prendre de grandes inspirations et finalement, le bruit d’eau s’arrête. J’ouvre doucement les yeux mais ne bouge pas alors que Lie revient vers moi et s’agenouille à mes côtés;

-Gimme your arm.

Elle prend d’elle-même mon bras et je me laisse totalement faire. Elle se met à nettoyer la plaie de mon poignet, une vague de douleur me parcours, provoquant un désagréable frisson. Je me sens de plus en plus faible, la perte de sang commence à se faire ressentir alors que j’ai l’impression que mon corps se fait attirer de plus en plus fortement vers le sol, mai je résiste du mieux que je le peux face à cette faiblesse physique et mentale. J’entends alors Lie soupirer, c’est un soupir triste qui me fend un peu plus le cœur. À la fin de cette soirée, j’ai bien peur d’être réduit en charpies, car peu importe à quoi je pense, ça me fait mal d’une façon ou d’une autre…

Elle termine de bander mon poignet et passe à ma main qui commence à être affreusement douloureuse. J’ai serré la lame de mon couteau si fort que je ne sais pas si je me suis infligé de dommages permanent ou non… Je repense à cette bataille un peu plus tôt, à ma crise et me rend compte que j’aurais dû aller chercher de l’aide voilà longtemps… Jamais je n’ai parlé de ce qui s’est passé dans la ruelle, ni d’à quel point tout ça me hante… Mais garder le silence est tellement plus facile, parce qu’en parler c’est de plonger directement dans les souvenirs, ramener la douleur, raviver le traumatisme et le choc… Qu’est-ce que je dois faire? J’en ai assez de vivre avec tout ça, mais de parler maintenant, à Lie, ça ne lui fera qu’encore plus de mal… J’ai décidé de ne pas lui en vouloir, mais je ne peux oublier qu’elle était là lorsque tout ça est arrivé… J’ai envie de me prendre la tête à deux mains, de me recroqueviller sur moi-même, de me faire oublier de ce monde…

Mais je repense à Damien, lui il voulait vivre, il n’a jamais demandé à mourir… et moi, j’ai voulu me donner la mort de façon totalement égoïste… Si je me tus, Damien sera mort pour rien, et je détruirai la confiance de Lie, et qui sait ce qui arriverait par la suite? Je ne sais pas si je veux vivre, mais je n’ai pas le droit de mourir ou d’abandonner… pour eux… Mais si je veux vivre, je ne peux plus rester comme ça… Je rassemble le peu de courage qu’il me reste et lève les yeux vers Lie pour la regarder un instant. Elle est tout ce qui me reste, elle est la seule et unique personne qui me reste… Le sait-elle? Je ne sais pas… Tout à l’heure, pendant ma crise, je la voyais comme la tueuse, comme la responsable de toute ma souffrance et de la mort de mon ami… mais maintenant, ce n’est pas du tout le cas. Je n’ai jamais parlé à qui que ce soit de cette nuit, même pas aux policiers, mais ce soir, je dois briser ce silence qui m’écrase depuis beaucoup trop longtemps…

- Since that night in the alley… Every storm’s a nightmare... For me, thunder’s a gunshot, and I see everything that happened back then... Everytime, I see Damien getting beat up by those guys, I hear their laughs and the bones cracking, and I remember that I didn’t do anything... I remember too well the look that he gave me just before he was killed. In his eyes, I could see pain, but mostly fear... he was begging me to help him, he didn’t wanna die, but it was too late... In a second, his eyes were empty, but still looking at me...

Mes tremblements qui avaient presque cessés alors que Lie me soignait sont revenus, chaque mot que je prononce me ramène des milliers d’images. Mon teint qui déjà était pâle devient un peu plus livide, ma respiration est plus difficile, mais j’en ai assez de garder tout ça à l’intérieur, de fuir la vérité, alors je continu, la voix faible et aussi tremblante que mon être;

- After being beat up… I crawled to his body... I searched his corpse to find his cell-phone and call an ambulance... My hands were covered with his blood... Damien’s blood...

À cette pensée, je regarde mes mains, et je me souviens de ce moment, c’est à peine si je ne peux pas sentir le sang… Mes pleurs s’intensifient de nouveau alors qu’ils s’étaient eux aussi presque arrêtés. Je regarde Lie, l’air désespéré, même si je veux continuer, pour l’instant, les mots restent coincés, c’est trop douloureux… Je baisse la tête et ferme les yeux, je dois m’arrêter pour un moment, c’est trop pour moi…

Administrateur Messages : 181 Date d'inscription : 08/11/2011

Je terminai mon bandage en silence avant de me saisir de son autre bras et de nettoyer les plaies de sa main avec les quelques linges mouillés qui étaient toujours propre. Il a beaucoup perdu de sang, et dans la noirceur de la pièce, je n’arrive pas à bien voir l’étendue des dégâts, mais ils me semblent sérieux. J’espère pour lui qu’ils ne laisseront pas de séquelles. Je savais que je devrais me lever pour ouvrir la lumière, mais j’avais peur que Jayden ne panique ou je ne savais quoi si je m’éloignais, alors je restai à ses côtés dans le noir. Mon bandage était rudimentaire, mais je me réconfortai en me disant qu’au moins il pourrait arrêter le saignement. Je ne pouvais pas faire mieux avec le peu que j’avais. J’avais presque fini lorsque Jayden se mit à parler. Les mots sortaient de sa bouche en tremblant, par à coup, serrés, mais à flot, comme du pus s’échapperais d’une blessure putride que l’on a crevée. Je n’avais pas réalisé qu’il avait cessé de trembler avant qu’il ne se mette à frémir de plus belle.

- Since that night in the alley… Every storm’s a nightmare... For me, thunder’s a gunshot, and I see everything that happened back then... Everytime, I see Damien getting beat up by those guys, I hear their laughs and the bones cracking, and I remember that I didn’t do anything... I remember too well the look that he gave me just before he was killed. In his eyes, I could see pain, but mostly fear... he was begging me to help him, he didn’t wanna die, but it was too late... In a second, his eyes were empty, but still looking at me...

Ses paroles sonnent un peu comme un couteau qui s’enfoncerait dans mes chairs, et je ne peux que me souvenir de son regard cette nuit-là, alors que je le tenais cloué au sol de mon fusil, et je ne peux qu’entendre son cri. Pendant une seconde, tout se superpose au rêve que j’ai fait plus tôt, à ce cauchemar récurent de l’œil, du corps et du hangar. Je finis d’attacher le bandage et je lâchai sa main.

- After being beat up… I crawled to his body... I searched his corpse to find his cell-phone and call an ambulance... My hands were covered with his blood... Damien’s blood...

Je me rappelle vaguement avoir tenu le corps ensanglanté de mon père, une image de ma main tenant le vieux téléphone beige du salon, couverte de sang. Je me souviens de la ruelle dont l’asphalte luisait de noir lorsque nous l’avons quittée en riant. Jayden regarde ses mains en tremblant, et ses sanglots secouent son corps. Un vertige me prend; je ne sais pas ce que je devrais faire, si je devrais le prendre dans mes bras ou rester plus loin de lui, si je dois le consoler ou si la souillure de ce que j’ai fait cette nuit m’en empêche. Pour la deuxième fois cette nuit, je plains, je maudis, je ris de cette ironie du sort qui n’a laissé pour support à ce garçon que celle qui avait causé la perte de son monde. Je ne méritais pas ce rôle, mais pourtant parfois, il y a de ces rôles qu’il suffit d’endosser pour en être digne. Je décidai, sur un coup de tête, que je ne comptais pas, ce soir, que mon passé, pour le mal qu’il avait fait, ne devais pas me retenir de faire une seule fois du bien. Alors, je pris un instant les mains de Jayden entre les miennes, le forçant à me regarder pendant une seconde, puis je l’enlaçai. Je ne savais que faire d’autre, puisque toute réponse m’évadait. Je ne trouvai que ces quelques mots à dire pour sa peine :

-Keep talkin’, boy. I dunno what to answer, but I’ll listen.

Je sens alors Lie prendre mes mains. Je lève les yeux pour la regarder, et remarque un mélange d’hésitation et de détermination. Je ne sais pas à quoi elle pense, mais je n’ai pas le temps d’y réfléchir qu’elle me tient déjà dans ses bras. Sur le coup, je fige, je ne sais pas exactement comment réagir. Puis, de la sentir près de moi, de sentir la chaleur humaine me réconforte un peu, vraiment très peu, mais c’est déjà ça. Je sens son désir de m’aider et je sais qu’elle m’écoutera, peu importe ce que je dirai, elle restera avec moi… Je ne veux pas être seul et je ne le serai pas, je le sais… Je lui rends alors son étreinte, avec autant de force que mes blessures et ma perte de sang me le permettent, accotant ma tête sur son épaule un moment. J’essai toujours d’aider tout le monde, j’essai toujours de sortir les autres de leurs problèmes, mais depuis Damien, jamais personne n’a fait ça pour moi, et même si c’est étrange pour moi, je remercie Lie d’avoir accepté ce rôle.

Je ferme les yeux et prend le temps de respirer avant de me séparer d’elle sans trop m’éloigner. Je garde les yeux baissés alors que je cherche mes mots. Tout se bouscule dans ma tête, tout tente de sortir en même temps en se mêlant sans arrêt, mais je fais un effort immense pour remettre de l’ordre dans tout ça, car si je ne le fais pas, alors jamais je ne réussirai à comprendre ce qui se passe en moi. Je ne sais pas pourquoi j’ai fuis tout ce temps, pourquoi je me suis poussé à oublier, car on a beau repousser la douleur, elle revient toujours jusqu'à ce que l’on se décide à l’affronter et à la vivre…

Je repense alors au moment où je me suis réveillé à l’hôpital, la voix emplie de reproches de mon père et du choc qui s’en est suivi. Je me souviens de ce vide, de cet horrible sentiment que plus rien n’a de sens, que plus rien n’existe réellement, que l’on est tout simplement plus, car ça n’en vaut pas la peine… Un soupir douloureux traverse mes lèvres alors que je me décide à à parler, la voix brisée par les souvenirs et ces sentiments que je croyais disparus, mais qui en fait ne partiront jamais complètement.

- Quand je me suis réveillé à l’hôpital, la première chose que mon père m’a dite était que j’aurais dû crever avec mon ami… J’avais oublié ce qui s’était passé, mais en un éclair, à cause des paroles de mon père, tout m’est revenu. Je suis tombé sous le choc le plus total, et un vide… un vide horrible s’est mis à me ronger… J’avais l’impression que mon monde n’existait plus, que la moindre petite parcelle de moi-même s’était envolée… Je n’étais plus rien, je ne valais plus rien… Puis, un jour, un orage à éclaté, et j’ai fais la pire crise de toute ma vie… Je hurlais dans ma chambre d’hôpital, c’était à peine si je ne m’arrachais pas les cheveux de la tête alors que j’étais recroquevillé dans un coin de la pièce. Je ne sais pas combien de temps ça à durée, mais c’était horrible… Les images, elles étaient tellement réelles, je revoyais la scène encore et encore et encore…

Les mots s’étranglent dans ma gorge qui me semble en feu alors que je ravive le souvenir de cette crise. Elle était tout simplement horrible, encore aujourd’hui, je me souviens à quel point j’avais eu peur de devenir complètement fou, voir même d’en mourir tellement ça me torturait. Un frisson d’horreur me parcours, alors je serre mes bras autour de moi, par simple réflexe avant de continuer, légèrement incertain;

- Ils m’ont envoyé en psychiatrie, mais jamais personne n’a obtenu quoi que ce soit de moi… Je n’ai même jamais parlé de tout ça aux parents de Damien… Je n’en ai jamais eu la force… je me suis toujours sentis coupable de sa mort, car si je n’avais pas été là, il serait toujours vivant, si je n’avais pas été aussi obstiné ce soir là, ce ne serait jamais arrivé… Il ne comprenait pas pourquoi j’avais voulu sauter en bas de ce pont, il ne comprenait pas que je puisse être désespéré au point de vouloir mourir… et moi je ne supportais pas de savoir que même mon meilleur ami ne comprenait pas ma douleur… On s’est engueulés et je suis partie, il m’a suivi mais je voulais rien savoir de lui… et c’est arrivé… Damien il… il est mort par ma faute… j’ai rien fait… et il est mort en croyant que je le détestais… La dernière chose qu’il aura su de moi…c’est que je lui en voulais…

Je baisse un peu plus la tête alors que mes larmes tombent les unes après les autres sur mes bras toujours serrés autour de moi. Je me suis toujours sentis coupable pour ce qui s’est passé, tout est de ma faute et ça me tue… et… comment peut-on vivre avec l’idée que son meilleur ami est mort en croyant qu’on l’haïssait? Je ne sais pas, mais ça me ronge, jour après jour, la plaie s’ouvre un peu plus… En ce moment, j’ai l’impression que quelque chose poignarde mes entrailles, que mon cœur se compresse un peu plus à chaque seconde alors qu’un froid horrible m’envahit. J’ai envi de mourir en y repensant, j’ai mal, tellement mal… Qu’est-ce que je dois faire maintenant? Qu’est-ce que je peux faire tout simplement?

Administrateur Messages : 181 Date d'inscription : 08/11/2011

Il me rendit mon étreinte, faiblement, mais je sentis que s’il l’avait pu, il m’aurait serrée beaucoup plus fort. Je ne savais pas si s’étaient ses tremblements ou le sang qu’il avait perdu qui l’empêchaient de s’accrocher plus fort, ou les deux, et je ne le saurai jamais. Je l’avais pris un peu plus fermement, comme si ça avait pu l’empêcher d’une quelconque manière de s’écrouler. Le poids de sa tête sur mon épaule me semblait presque familier, mais j’aurais tant souhaité que sa lourdeur eût un fond plus léger. Puis il s’éloigna de moi, juste un peu, et j’eux l’impression qu’il créait un espace pour que ses mots puissent y résonner et être entendus. Il gardait les yeux baissés au sol, et je me demandai si, la lumière eut-elle été un peu plus forte, j’aurais pu voir une larme couler le long de sa joue. Aurait-elle coulé par à-coups, ou toute droite comme le fil d’une lame, malgré les sanglots qui le secouaient toujours? Sa voix me parvint, et je me pris à détester cette brisure qu’on y entendait.

Après quelques mots, je me sentais déjà haïr ce père dont il me parlait. Au fil de son histoire, je sentis quelque chose comme une froide colère monter en moi, et ma gorge me semblait étrangement serrée. J’avais l’impression qu’un étau me comprimait de nouveau, mais celui-ci était différent. Je surpris dans mes pensées l’envie absurde, mais pourtant persistante, de retourner dans le passer, d’effacer tout le mal qu’on lui avait fait, et chaque seconde la faisait grandir inconfortablement. J’aurais voulu le tenir dans mes bras et que ceux-ci lui servent de bouclier contre tous les souvenirs, toutes les peines, toutes les douleurs passées et venir. J’aurais voulu que ma seule présence puisse redresser tous les torts et que les pétales écrasés de son âme se régénèrent et s’épanouissent entre mes doigts. J’aurais vu qu’entre mes bras, il n’y ait plus de mal, seulement… je ne sais quoi, et je désirais toutes ces choses avec une ardeur qui me consumait de détresse. Car en réalité, je ne pouvais rien faire, rien que l’écouter; mon étreinte ne redresserait pas les torts, ne le protègerais pas, n’éteindrait pas la douleur. Il aurait fallu que je fus Dieu pour avoir ce pouvoir, et pourtant, je me sentais misérable de ne pas le posséder.

Je n’avais pas les yeux remplis d’eau, mais ils me semblaient comme enflés de larmes de ciment, trop lourde pour que je ne les pleure, trop lourdes pour sortir. Je ne savais plus pleurer depuis un moment déjà, mais ma gorge n’en était pas moins serrée. Je ne pouvais rien. Rien qu’écouter, alors, sans bouger, c’est ce que je fis. Il serrait ses bras autour de lui, comme un bouclier qu’il ne pouvait pas plus se fournir que je ne le pouvais. Dans la réalité, se protéger de ses bras ne sert qu’à en briser les os et se rendre sans défense, alors que dans l’esprit… Ils ne cachent pas des horreurs qui se cachent dans notre cerveau. Alors que Jayden parlais, je compris, avec une horreur grandissante, qu’il se croyait responsable de ce qui était arrivé, et tout mon être protesta à cette idée. Quelque part, au plus profond de moi, une petite voix maudit la tendance de l’humain à se blâmer pour les choses horribles que d’autres lui ont fait. Et il me sembla que moins l’on est responsable, plus l’acte d’autrui est odieux, plus la culpabilité de la victime est forte. Mais je n’écoutai pas cette voix; j’avais peur de ce que ses échos me disaient à propos de moi. Alors, d’une voix que je voulais douce et réconfortante, je tentai par des mots bien insignifiants de le convaincre de son erreur, de démonter le château de culpabilité.

-T’wasn’t yo’ fault, Jayden… Yah didn’t get him killed, and yah woud’ve tried to save him I’f you hadn’t known it wouldn’t change anythin’…

Je voulus ajouter qu’ils l’auraient probablement tué plus vite s’il avait tenté de l’aider, et qu’il serait assurément mort aussi, mais je m’en retins à temps. Ça aurait été mieux pour Damien si sa mort était venue plus vite, et Jayden ne voulais pas même vivre. Cette pensée fit couleur mon cœur un peu plus, si possible.

-And I’m sure he didn’t think yah hated him… People fight all dah time and yet they don’t hate each other… If he knew yah, he knew yah could never hate yo’ best friend…

Mes mots me semblaient plus que maladroits, et je désolai qu’alors que les défenses que l’on se monte contre la vie ne sont souvent qu’un château de carte, les culpabilités les moins légitimes sont souvent faites de pierres…

Elle essaie de me convaincre que ce n’était pas de ma faute, que je n’avais pas eu de choix... mais je ne sais pas quoi en penser, je ne sais pas ce que je dois croire… J’aimerais croire ses paroles, j’aimerais pouvoir me sentir réconforté par la voix de Lie, mais je n’y arrive pas, je ne suis pas capable d’oublier, de me sortir de la tête que ça s’est passé à cause de cette dispute, que c’est moi qui nous a conduit dans la ruelle sans réfléchir… que si seulement j’avais été un peu plus attentif, j’aurais pu nous sauver à temps… Et Lie me dit que Damien ne m’haïssait pas, mais ça, je ne le saurai jamais… Il ne me comprenait pas, il ne m’avait jamais compris, moi et ma façon de cacher tout à tout le monde… alors, comment savoir s’il avait compris que je ne le détestais pas vraiment? Jamais je ne m’étais fâché contre lui ou contre qui que ce soit en sa présence… alors comment puis-je savoir s’il avait réellement saisit le sens de mes agissements? Je ne sais pas, je n’aurai jamais de réponse, jamais je n’aurai l’esprit en paix avec tout ça… moi qui a cru que je pourrais oublier, j’ai été tellement naïf, tellement imbécile…

Je sers les dents face à mon impuissance, je ne sais pas ce que je dois faire ni comment je devrais réagir… Je ne sais plus qui je suis réellement, j’ai l’impression que quelque chose, que quelqu’un s’amuse à prendre chaque partie de mon être pour les assemblées de façon à ce que je ne me reconnaisse plus moi-même… Et j’ai l’impression qu’elle s’est fait un malin plaisir avec les années à jeter les morceaux qui ne lui convenait pas. Je suis devenu un fantôme, rien de moi ne me semble vrai… je me suis mentis si longtemps, pendant des mois j’ai fait comme si rien ne m’atteignais, et j’ai réussis à me berner moi-même… Cette carapace que je me suis forgée, c’est tout ce qui reste de mon être, je ne suis rien, seulement un être insignifiant qui ne vaut absolument rien… Depuis le premier jour, j’ai perdu ma place dans ce monde, jamais je n’aurais dû naître, je n’ai su qu’apporter le malheur autour de moi, et maintenant? Je tourne en rond, je cherche une solution, une porte de sortie, mais il n’y a rien pour moi, qu’est-ce que je dois faire..?

- Qu’est-ce que je peux faire maintenant Lie? Damien… il était la seule personne qui avait su voir en moi autre chose qu’un monstre… même moi je ne croyais pas avoir de place dans ce monde…mais lui…il… il m’a aidé, il a essayé de me protéger, parce qu’il croyait que je méritais mieux que le mépris de tous… il était toujours soucieux de savoir si j’allais bien, il voulait vraiment m’aider… il savait que rien n’allait chez moi, il savait que mon père me traitait comme un animal…et moi… qu’est-ce que j’ai fait alors qu’il me tendait la main? J’ai détourné les yeux, j’ai ignoré son aide… je ne voulais pas le faire souffrir, je ne voulais pas qu’il s’enfonce avec moi, mais en bout ligne, je l’ai amené tout droit vers… la mort…

J’enfouis mon visage dans mes mains pendant un instant, je ne supporte plus la culpabilité…Tout ça, c’est tellement dur, tellement affreux… moi qui croyait avoir oublié, moi qui croyais avoir fuit pour toujours mon mal, j’avais tort… Je laisse alors tomber mes mains devant moi avant de laisser ma tête prendre place sur l’épaule de Lie. J’ai froid, je me sens mort, j’ai l’impression d’avoir tout perdu encore une fois, mais cette fois-ci, j’ai peur de ne plus pouvoir reconstruire quoi que ce soit à partir des ruines de mon âme… trop fois on a tenté de recoller les morceaux, et maintenant, ma structure est trop fragile, j’ai bien peur qu’il ne reste plus qu’a attendre que je ne m’effondre complètement une bonne fois pour toute…

Administrateur Messages : 181 Date d'inscription : 08/11/2011

Il semble indécis pour un moment, et je cru voir sa mâchoire se serrer, mais il faisait trop noir pour que je ne sache vraiment si ce n’était pas qu’un autre tremblement.

« Qu’est-ce que je peux faire maintenant Lie? » me demande-t-il, mais je n’eus pas le temps de lui répondre qu’il continuait déjà de parler. De toute façon, je n’aurais pas su quoi répondre à ce qui n’était pas vraiment une question, mais plus un appel de désespoir. Il me parla de ce qu’avait été Damien pour lui, du rôle qu’il avait joué dans sa vie, et je me dis vainement que je pourrais le jouer, ce rôle, que je pouvais être tout cela : je ne le voyais pas comme un monstre, je voulais le protéger parce qu’il méritait effectivement mieux que le mépris, moi aussi je me souciais de s’il se portait bien ou non. Mais ces pensées étaient vaines : on ne remplace pas les morts, et je le réalisai, je ne voulais pas de la place de Damien. Je ne passai qu’une seconde sur cette pensée avant que mon esprit ne s’en détourne, mais elle fut suffisante pour que je sache que malgré tout ce que je voulais de bien pour Jayden, je ne voulais pas remplacer son ami. Je voulais être autre chose pour lui qu’un substitut.

Je continuai de l’écouter, et au fil de ses mots, une seule phrase suffit à confirmer la haine que je commençais à nourrir envers son père, et mon cœur flamba de colère face à ce que celui-ci avait bien pu lui infliger, mais devant la culpabilité qui montait dans sa voix, ma rage devint soudainement froide. Je m’irritais de ce mal qu’il s’infligeait sans rien y pouvoir, convaincu qu’il était de son tort. Je me contins, me disant que des mots réconfortants, lorsque l’abcès serait crevé, seraient plus apaisants que ma hargne. « … mais en bout ligne, je l’ai amené tout droit vers… la mort… »

Je ne supportais pas de le voir souffrir et je réalisai que je supportais encore moins de le voir prendre le blâme de la mort de son ami, disant qu’il l’y avait mené, alors que j’étais celle qui lui avait tiré dessus. En l’espace d’un instant, je su sans l’ombre d’un doute que je préfèrerais le voir me jeter dehors de sa vie, m’injurier, me haïr, que de le voir se détester lui-même. Cela me ferait mal, énormément mal, je le savais, mais moi au moins j’aurais mérité ce dégout. Les mots s’échappèrent de ma bouche avant que je ne puisse les retenir et je me levai en les jetant.

- Dammit Jayden! Get this in yo’ head : yah did not fucking kill Damien! I’m the one who shot him, not yah! If yah wanna blame somebody, blame me, hate me, kick my ass outa yo’ life if yah want, but stop blamin’ yo’self!

Ce n’est qu’à la fin de ma phrase que je réalisai que j’étais debout et que j’avais presque crié. Me reprenant en main, je me rassis en tailleur près de Jayden en murmurant :

-Stop thinkin’ it’s yo’ fault… It’s not…

Je passai ma main sur mon front, massant légèrement mes tempes du bout des doigts. Je ne savais tellement pas quoi faire.

- Dammit Jayden! Get this in yo’ head : yah did not fucking kill Damien! I’m the one who shot him, not yah! If yah wanna blame somebody, blame me, hate me, kick my ass outa yo’ life if yah want, but stop blamin’ yo’self!

Alors qu’elle me criait tout ça par la tête, j’étais figé, je la regardais et j’étais un peu troublé par son changement brusque de comportement, mais surtout par ses paroles. Je savais qu’elle avait raison en fait… C’est elle qui l’avait tiré en premier et qui avait signalé notre présence, mais… je n’arrivais pas à la blâmer, je n’arrivais pas à lui mettre la faute dessus. Pourquoi? Je n’en savais rien… ce serait tellement plus facile pour moi, rejeter ma culpabilité, accuser quelqu’un d’autre de la mort de mon ami… mais… ce n’était pas si facile… Toute ma vie on m’avait persuadé que j’étais responsable de la mort de ma mère et que j’étais à l’origine de tous les malheurs de mon père… Je culpabilisais pour tout et n’importe quoi, j’avais toujours l’impression que tout ce qui tournait mal était de ma faute en bout de ligne, alors, même dans les pires situations, même à la suite d’événements horribles dont on tentait de me détacher, de me dire que ce n’était pas ma faute, je n’y arrivais pas.

Finalement, Lie se rassit à côté de moi, et je la fixais, ne sachant pas trop comment réagir à ce qu’elle m’avait dit. Jamais je ne voudrais lui mettre la faute dessus, j’en étais certain, et je ne voudrais jamais me débarrasser d’elle… Je ne voulais pas la perdre, pas elle… avec le temps, j’avais appris à lui faire confiance, et elle avait changé… elle n’était plus la même personne que la nuit dans la ruelle… J’étais persuadé qu’elle avait changé depuis le temps… et puis… j’avais besoin d’elle… Sans elle, qu’est-ce que j’étais? Je n’avais plus rien, plus personne et si Lie n’était pas là, je n’y survivrais pas…

Au moment où j’ouvris la bouche pour parler, des coups retentirent à la porte. Mon cœur manqua un battement et je me levai brusquement, ne m’étant pas du tout attendu à ça. Cependant, le fait de m’être levé plus que rapidement combiné à la perte de sang causa une inévitable chute de pression. En un instant, mes genoux cédèrent et tout autour de moi s’évanoui. J’eu à peine le temps de me sentir tombé que je n’avais plus conscience du monde ou d’être, tout simplement.

Administrateur Messages : 181 Date d'inscription : 08/11/2011

Quelques secondes passèrent avant que je ne relève les yeux vers Jayden, qui me regardait, l’air totalement désarmé. Il ouvrit la bouche pour parler, mais avant qu’un mot ne franchisse ses lèvres, des coups résonnèrent contre la porte. Je n’avais pas entendu quelqu’un approcher et je sursautai au point de bondir sans discrétion sur mes pieds, ce que Jayden avait aussi fait. Je dois féliciter mes réflexes pour ce qui se passa par la suite : mes yeux détectèrent les premiers signaux d’affaiblissement de Jayden; une mollesse dans les genoux, le pied soudainement incertain furent les indices qui me firent réagir à la vitesse de l’éclair. Avant même qu’il commençât à s’effondrer, j’étais prête à le soutenir. Lorsqu’il s’écroula comme une chiffe molle, je le rattrapai d’un bras derrière les épaules, et lorsque la porte de la buanderie s’ouvrit brutalement, je saisis mon ami inconscient dans mes bras, le prenant sans même m’en rendre compte en « princesse ».

Sous l’effet du stress intense et inattendu ajouté à la tension de la nuit, je réagis comme un animal et feulai la gueule grande ouverte, montrant mes dents et couchant les oreilles en arrière. Maintenant que j’y repense, je suis certaine que ma queue avait triplé de volume en se hérissant. J’avais reculé en serrant Jayden contre moi, et je me retrouvai acculée au mur lorsque je bondis en arrière face à la lumière qu’on venait d’allumer. Mes yeux clignèrent violemment, s’adaptant au brusque changement de luminosité avec difficulté. Pendant un instant, je ne vis que mauve, puis ma vision se rétablit et je reconnu l’uniforme des gardes de l’école. Je me décrispai, ma respiration passant de sifflante à simplement lourde. Je desserrai mes bras, cessant de m’agripper au poids mort qui s’y trouvait comme si nos vies en dépendaient. Je modifiai ma prise, tentant de mieux l’enrober et le soutenir, car même s’il était incroyablement léger, il restait malaisé de tenir quelqu’un d’à ce point plus grand que moi. Mon regard encore un peu affolé passa rapidement du garde à Jayden puis au garde. Il ne m’avait fallu que cette seconde pour le trouver incroyablement blême, et alors que mon esprit s’éclaircissait, je réalisai que sa perte de sang était plus sérieuse que je ne l’avais soupçonné. Je plantai mes yeux dans ceux du garde.

-Il faut l’emmener à l’hôpital, déclarai-je, l’air grave.

Jayden commença à s’agiter entre mes bras, reprenant lentement conscience. Je ne fis pourtant pas mine de le lâcher.

Lentement, je repris conscience, mes sens reprirent leurs fonctions. Je bougeai un peu pour constater que quelqu’un me tenait. J’ouvris doucement les yeux pour me rendre compte que c’était Lie. Puis je me souvins de ce qui s’était passé. Je tournai donc la tête pour voir qui avait été à l’origine des cognements sur la porte pour me rendre compte que c’était un garde du pavillon. Je le vis se tourner pour dire à un autre garde derrière… d’appeler une ambulance? Puis je réalisai que j’étais tombé inconscient quelques instants plus tôt et que j’avais perdu beaucoup de sang… alors c’était une bonne décision. Mais je n’appréciais guerre la perspective de me retrouver dans un hôpital, seul… trop de mauvais souvenirs étaient liés aux hôpitaux, et déjà je commençais à appréhender la situation. Je regardai donc Lie un moment avant de lui dire la voix rauque et un peu faible;

- Je veux descendre…

Effectivement, je n’étais pas particulièrement confortable comme ça, je me sentais trop coincé et j’avais déjà un peu de difficulté à respirer, et puis, je pouvais marcher. Elle me déposa donc au sol, mais continua de me soutenir, ce qui était une bonne chose, car je me rendis compte que j’étais plus affaibli que je ne l’avais cru. Je ne prenais pas complètement appui sur mon amie, mais si j’avais de nouveau une faiblesse, je pouvais être certain que je ne tomberais pas. Je regardai le garde qui me fixait avec un air désapprobateur. Je ne savais pas s’il ne faisait pas confiance à Lie ou s’il ne voulait pas que je bouge, mais je lui dis simplement;

- On va descendre pour attendre l’ambulance…

Il nous laissa donc passer mais nous suivi de près pour être prêt à intervenir si quelque chose arrivait. Je ne regardais ou ne parlais pas à Lie, puisque lorsque nous sortîmes de la petite pièce, je constatai que l’orage n’avait pas cessé, et je devais rester calme… Je faisais d’immenses efforts pour rester calme, car c’était devenu une vraie phobie, et dieu sait qu’il est TRÈS difficile de se contrôler face à une telle peur… Je me concentrais sur chacun de mes pas et ne cessais de me répéter mentalement de garder le contrôle. Malgré tout, je ne pouvais contrôler ma respiration qui était troublée, et je sentais que ma peau était devenue froide et moite dans les dernières minutes. Lorsque nous prîmes les escaliers, je dû faire encore plus attention à où je mettais les pieds, ce qui me permettais de me concentrer sur autre chose que la température et qui me donnait un petit moment de répit mental. Une fois au rez-de-chaussée, On se dirigea vers la porte, mais je me stoppai à une certaine distance de celle-ci, plus je m’approcherais, plus je risquais de paniquer, et que je ne voulais pas, c’était déjà assez dur comme ça. Lie me regarda un moment l’air interrogative, mais je me défis de son emprise avant de m’asseoir, le dos contre le mur. Je fermai les yeux un moment et soufflai un peu, je me sentais faible et j’avais vraiment besoin de rester assis désormais, je le savais. Le garde s’approcha de moi et me demanda d’une voix grave;

- Qu’est-ce qui s’est passé exactement?

Je n’avais pas particulièrement envie de rapporter les faits, car y penser me replongerais dans l’instant, ce qui était manifestement une très mauvaise idée. Je levai donc doucement la tête vers Lie, le regard implorant. Je ne savais pas si elle comprendrait mon message, mais je en voulais pas en parler maintenant, et ni en entendre parler, c’était trop récent… Si le garde insistait, j’espérais que Lie l’amènerais plus loin pour lui raconter…

Administrateur Messages : 181 Date d'inscription : 08/11/2011

Jayden ouvrit lentement les yeux, les posant d’abords sur moi, puis sur le garde qui se tenait toujours au pas de la porte. Son regard revint vers moi lorsqu’il me demanda d’une voix rauque de le déposer, ce que je fis sans pourtant le lâcher. J’avais trop peur qu’il tombe et ne se fasse plus mal pour arrêter de le soutenir, et de toute façon, le poids léger qu’il faisait reposer sur moi me disait qu’il ne voulait pas que je le lâche. Le garde nous regardait étrangement, mais je fis mine de ne pas m’en rendre compte.

- On va descendre pour attendre l’ambulance…

J’acquiesçai doucement, bien que je m’inquiète de sa réaction à l’orage qui faisait toujours rage dehors et dont le tonnerre était déjà beaucoup plus audible depuis que la porte avait été ouverte. Je le sentais trembler, et je voulais ma présence réconfortante, mais je ne savais pas quoi dire. Au moins, me dis-je, il semblait réussir à bien maitriser ce qui, je le devinai à son attitude, était une vraie phobie. Rendus en bas, il s’arrêta à une certaine distance de la porte, et je le regardai, lui demandant du regard ce qu’il voulait faire à partir d’ici. Je ne sais pas s’il comprit ma question, mais il se dégagea doucement de mon étreinte, et bien que ne veuille pas le laisser partir, je le fis. Il s’assit au bord du mur, tout près de la porte de la cafétéria.
Je portai un regard méfiant sur le garde, qui avait été rejoint par son collègue. J’avais déjà eu affaire à lui : il était bien correct, mais je ne leur faisais pas confiance au moment. Il s’approcha un peu de Jayden, et à son expression, il n’avait pas manqué de remarquer mes œillades meurtrières face à la distance qui s’amenuisait entre lui et mon ami. D’une voix grave, il lui demanda :

- Qu’est-ce qui s’est passé exactement?

J’avais dans l’impression que Jayden n’aurait nulle envie de répondre à sa question, et le regard suppliant qu’il lança me le confirma. Mon regard se fit un avertissement et mon ton se fit dur lors que je répondis au garde.

-None of yo’ concern, sir.

L’agent de sécurité me regarda, l’air conciliant, et me dit d’un ton raisonnable et emmerdant :

-I’m sorry, Schatten, but it is my job to know.

Tiens, on s’est vu assez souvent pour qu’il se souvienne de mon nom. C’est vrai que dans la classe N, je suis surement la plus délinquante, surtout depuis que Sandy est en chaise roulante. Raison de plus pour détester son air compréhensif. Revêche comme à l’accoutumée, mais ferme, je lui rétorquai :

-T’morrow’s soon enough for yah to know, sir. Findin’ me in tha pavilion should not be too hard for yah, ain’t I right?

J’avais glissé mon habituelle touche de sarcasme dans la fin de ma phrase. Normalement, ça aurait été le moment où le garde m’aurait sermonnée pour mon manque de respect, mais il semblait avoir finalement remarqué le regard suppliant de Jayden et se contenta d’acquiescer. Je ne crois pas qu’il entendit mon soupir de soulagement.

Nous attendîmes encore un peu pour l’ambulance. Au début, ils ne voulaient pas me laisser entrer, puisqu’un des gardes suivait déjà Jayden. Après un peu d’obstination, la menace de m’accrocher sur le toit s’ils ne me laissaient pas entrer et un simple : «s’il vous plait…» murmuré par mon ami, ils abandonnèrent leurs objections. Je fis donc le chemin jusqu’à l’hôpital avec lui, tentant de lui donner la force de ne pas retomber en crise de panique en lui « envoyant » stupidement du courage par la pensée, tenant sa main intacte dans l’espoir qu’il le sentirait plus, ou je ne sais quoi. Parfois, on fait des choses sans en comprendre l’utilité, mais on ne peut pas s’en empêcher : c’était l’un de ces cas.

De façon polie, Lie à envoyer promener le garde, lui disant que ça ne le concernait pas et qu’ils auraient amplement le temps de régler ça le lendemain, et je fus plus que soulagé que le garde n’insiste pas malgré l’attitude de Lie et la gravité de la situation… Je savais bien que je serais obligé à en parler éventuellement, mais pas maintenant, je n’en avais pas la force ni l’envie, et puis, mon esprit était bien plus occupé à combattre cette stupide phobie alors ce n’était absolument pas nécessaire de me mettre encore plus de pression…

On n’attendit pas trop longtemps avant que la fameuse ambulance n’arrive. Ils m’examinèrent rapidement avant de me faire de vraies bandages et de m’embarquer en civière dans l’ambulance. Je me laissais complètement faire, je n’étais pas concentré là-dessus du tout, j’étais plutôt acculé par cette peur qui restait là, me montrant les dents, prête à bondir et à me faire perdre la tête si l’envie lui prenait, et à appréhender mon séjour à l’hôpital dont j’étais possiblement tout aussi effrayé, quoique d’une façon tout à fait différente… Pendant un moment, je suis resté immobile, fixant le vide pour rester calme, pour garder le contrôle, mais je fus ramené à la réalité lorsque j’entendis Lie s’obstiner avec les ambulanciers. Je ne compris pas tout de suite de quoi il s’agissait, mais lorsque je le réalisai, lorsque je me rendis compte qu’ils avaient l’intention de me séparer d’elle, mon cœur manqua un battement. Je ne voulais pas me retrouver seul, ils ne pouvaient pas m’enlever Lie, ils ne devaient pas! J’attendis un moment, espérant qu’ils finissent par accepter, par comprendre qu’ils ne devaient pas me séparer d’elle. Elle était la seule personne en qui j’avais un tant sois peu confiance ici, et elle était la seule qui pouvait me comprendre et qui arriverait à me calmer en cas de crise. Mais ils ne s’entendaient pas, ils refusaient toujours, et dans un élan de panique, plutôt faible pour les autres, mais monstrueux pour moi, je lançai faiblement, désespérément;

- S’il vous plaît…

Les ambulanciers se tournèrent vers moi, l’air presque étonné que je puisse parler. Ils me regardèrent un moment, alors que moi je leur lançais un regard suppliant, tentant de leur faire comprendre de plus profond de mon âme que j’avais besoin d’elle, car j’avais peur de comment tout cela pourrait finir si elle ne venait pas… Ils se consultèrent du regard pendant quelques secondes avant de se retourner vers Lie et de lui dire qu’elle pouvait venir. Le soulagement fut énorme, et je fus heureux qu’elle vienne s’installer près de moi, prenant ma main, m’assurant par cet acte qu’elle restait. Puis l’ambulance se mit en route, et je dû combattre contre cette fatigue qui me gagnais et qui me rendait presque inapte à tenir tête à ma panique. Par moment, je serrais la main de Lie plus fort pour rester dans le monde réel, pour garder les pieds sur terre et m’empêcher de glisser et me faire happer par les griffes de la peur, et Lie, elle restait là, patiemment, et ça me réconfortait de la savoir près de moi… Sans elle, je serais mort, et à cet instant, sans elle, sans sa main pour tenir la mienne, sans son regard pour me rassurer, sans sa présence pour m’apaiser, je peux vous dire une chose, je ne serais jamais revenu de cette nuit là, je serais viré complètement fou.

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